Théâtrez-moi!

Le lieu commun des rencontres improbables…

Le lieu magique où le langage rencontre l’image…

Je ne sais pas lequel fut le premier à s’imposer à moi. J’ai marché très tôt. J’ai parlé très vite. A trois ans, les tiroirs à vêtements de ma grand-mère n’avaient plus aucun secret pour moi. Chez Mamie, au dessus des trois marches séparant le living des chambres, calée entre la radiateur et la cheminée, j’existais. Je n’avais probablement jamais vu une scène de ma vie, le concept ne devait pas m’avoir été expliqué. Mais, je savais que du haut de mon estrade, il me suffisait de voler un t-shirt, de le porter selon l’inspiration (qui devait être improbable), de parler fort et de bouger librement pour que mon auditoire m’entende.

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Calée entre le radiateur et la cheminée, les gens m’écoutaient, ils riaient, ils étaient heureux… Et moi aussi.

Oui, c’est très tôt que tout a commencé.

Petite fille, je transformais les récréations de mes copains en plateau de télévision. De récréation en récréation, nous inventions les épisodes trépidants et farfelus de notre histoire jusqu’à l’épuiser avant de tout recommencer, différemment.

En voiture, j’inventais les biographies incroyables de mes personnages. Dès que j’en ai été capable, j’en prenais note, afin de conserver soigneusement le plus d’informations possible.

Pendant les vacances scolaires, nous tournions des films avec l’aide des cousins des voisins plus âgés.

A la maison, je grappillais tout ce qui ne servait plus à personne pour agrandir ma collection de costumes et d’accessoires. Je passais des heures devant l’énorme glace du salon à ajuster les détails de chaque personnage. Du fond de ma malle magique, un monde prenait vie.

– Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras plus grande? – Comédienne!

Une évidence. Je ne me suis jamais demandée quelles études j’allais entreprendre. Je savais déjà ce que j’étais.

Pendant, plus de deux ans, ma maman a cherché des cours de théâtre pour enfants. A L’époque, seules les académies proposaient ce genre de cours, et avant de pouvoir accéder à l’atelier « théâtre », il fallait passer par la diction et toute une série de cours qui n’inspirait pas la joie . Puis, un jour, j’avais sept ans, elle trouva! Bonheur!

Pendant dix ans, je vivais toutes les semaines en attendant mon cours de théllâââtre. Pour dire vrai, je m’y ennuyais souvent. Pestant parce que ça n’allait pas assez vite, … Parce que je connaissais par coeur tous les exercices,… Parce que les scèneS qu’on me proposait étaient trop courtes, trop faciles, et puis, que je préférais le rôle qu’on avait attribué à ma partenaire. Bref, j’étais une enfant parfaitement normale.

Mais sur scène, une fois l’année de cours derrière moi, le temps des représentations enfin arrivé, je prenais du plaisir comme rien d’autre ne peut m’en apporter (exception faite pour les compétitions de natation synchronisée). Sur scène, aucune limite, tout peut et doit sortir, aucune censure dans la mesure. Seulement moi, mes partenaires et le public. Un trio magique qui ouvre les portes de la liberté.

La liberté!

Ce n’est que bien plus tard que je compris la philosophie et même la psychologie qui se cachaient derrière mes petits instants de bonheur. Nous sommes peu de choses, c’est certain, mais le bonheur ne peut se construire que dans l’accès à la liberté de soi. Entendons-nous bien, la liberté n’a ici aucun sens juridique. Elle trouve son envol au-delà des concepts établis par la société. Cette liberté représente la paix intérieur, riche en adrénaline, elle ouvre les porte de l’Optimisme et de sa cousine Joie de Vivre. Oui, au-delà du gout du partage, il faut pouvoir admettre un certain pourcentage dédié à l’égo! Mais ne nous égarons pas…

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A dix-huit ans, j’entre au Conservatoire Royal de Bruxelles. Je suis alors aussi fière qu’Harpagon ( si Harpagon avait été une fille). Je m’apprêtais pourtant à vivre les quatre années les plus déprimantes de ma courte vie. Entre rêve et illusions. Entre désillusion et regain d’énergie. Entre incompréhension et envie d’abandon. A 100 km de la maison sans avoir eu le temps d’y penser, je me suis retrouvée seule dans une école qui veut alors me prouver qu’elle est plus forte que moi, entourée de personnes que je ne comprenais pas toujours. Seule, dans une nouvelle vie dont je ne connaissais pas les codes. Les études, c’est injuste! On est supposée devenir adulte tout en réalisant un rêve qui appartient encore à l’enfant qui refuse de nous quitter. Au moment où je suis sortie diplôme en mains du Conservatoire j’étais enfin prête à y rentrer!

Vingt deux ans, mon rêve est au bout de mes doigts. Mais je ne pense qu’à une chose: rentrer chez moi! Je rentre à Liège et retourne pendant 5 ans là où tout a commencé. Un théâtre magnifique. Une confiance aveugle. J’enchaîne projet sur projet. J’ose l’impossible. On me permet de repousser mes limites encore et encore. On me fait confiance. On me porte. J’écris. Je mets en scène. Je joue. Je crée. Je revis. Et puis, un jour, tout s’effondre. La confiance devient jalousie. L’amitié devient manipulation. Les créations sabotées. Les écrits volés. Les mensonges sont légion et la destruction le maitre mot. En quelque mois je me retrouve au pied du monde. Piégée par un mentor que je connais et admire depuis vingt ans. Ridiculisée et humiliée par égoïsme. Au bord de la dépression, je lâche tout. Je pars sans me retourner. Et j’ai mal, très mal.

 

 

Dans la douleur, je me sens plus forte que jamais. Au milieu de l’incompréhension je veux plus que jamais vivre d’art et de rêves. Alors entourée d’anciens élèves tous plus talentueux les uns que les autres. Baignés dans l’amitié et l’honnêteté, on s’est lancé dans un projet fou: créer notre compagnie théâtrale « Les Anges Hantés » (Enchantés). Et ça marche! On enchaine les créations, on crée, on partage, on produit. Nos projets ne cessent d’en apporter d’autres et rien ne pourra plus nous arrêter.

Parole de Pêche.

 

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